Déviation n°02 : Se faire ban au bon lieu : les banlieues
Château d'eau
Pauline Labarthe
Château d’eau (non, je ne parlerai pas ici de la station de métro parisienne), un château et de l’eau.
C’est beau cet assemblage de mots “château d’eau”. Pourtant celui qui se trouve à côté de chez moi n’a rien d’un château, et je sais de quoi je parle ; habitant en Touraine, j’en connais des châteaux, des vrais, des beaux, des grands, des monuments comme dans les livres pour enfants ou les films d’Histoire. Mais celui-là, il est spécial, il est … bleu, oui bleu.
Quand j’étais petite, j’étais persuadée qu’il était rempli à ras bord d’eau, prêt à déborder, ou à se renverser à chaque bourrasque de vent. D’ailleurs, ça ne fait pas depuis si longtemps que j’ai découvert le fonctionnement réel de ce château. Mais “château” quand même c’est osé comme nom non ? C’est … chevaleresque pour cette tour de béton. À y regarder de plus près, c’est vrai qu’elle s’apparente vaguement à une tour de châteaufort, donc une tour plus qu’un château, peut-être que le nom “tour d’eau” était déjà pris !?
En tout cas, mon château à moi, il est bleu. Un bleu clair, un bleu ciel, bien que le ciel par chez moi soit rarement bleu. Il est aussi fin, élancé, haut, épuré, imposant, inflexible, obstiné, obstinément bleu. C’est étrangement poétique, comme si on l’avait peint de cette couleur en espérant qu’il se fonde dans le paysage. C’est vrai que dans ma petite bourgade, les constructions en hauteur se font rares, je dirais même qu’elles sont inexistantes. Cette tour détonne. A l’antithèse des pavillons, elle sort du lot, elle contraste l’horizon, le plat, le calme, peut-être dérange-t-elle même certains esprits puristes ? Mais pour moi, elle brille, elle est une référence, un phare que j’aime apprivoiser sous tous les angles, elle me rassure, et me repère, certains jours elle me fait même rire. J’imagine avec aménité ce peintre ingénu, innocent peut-être même un peu superstitieux qui décida de barioler ce béton de bleu clair et pur, dans l’espoir peut-être qu’un jour le ciel s’y accordera et que le beau temps reviendra. En tout cas, cette tour-là, elle est pour moi, chez moi.


















